• Nouveau

Mon tatouage et moi Htein Lin

6 500,00 €
TTC

L’œuvre de Htein Lin, tatouée par le destin, nous parle de résistance, de mémoire et de création en captivité.

Une poignante série d’œuvres réalisées avec les moyens du bord, mais une rigueur et une force qui transcendent l’enfermement.

91 x 91 - 2008 - Acrylique sur toile

Retour De Voyage s’est entretenu avec l’artiste birman Htein Lin à propos de cette toile peinte  en 2008 : Moi et mon tatouage. Une plongée dans les prisons birmanes à la fin des années 1990, où l’art, l’encre et la douleur s’inscrivent à même la peau.

Retour De Voyage :

Votre peinture "Moi et mon tatouage" est une œuvre très intime, très incarnée. Comment ce rapport au tatouage est-il né dans la prison où vous étiez détenu ?

Htein Lin :

Quand un nouveau prisonnier arrivait, il y avait presque toujours cette invitation étrange mais symbolique : « Allez, viens te faire tatouer, viens marquer des buts. » C’était une forme d’accueil. Le tatouage était un rite, une manière d’exister aux yeux des autres. En 1998, le tatouage au Myanmar n’était pas populaire comme aujourd’hui. C’était marginal, associé aux fêtes de pagodes ou à certains quartiers. Mais en prison, si tu ne te faisais pas tatouer, c’était comme si tu n’étais pas vraiment dedans. C’était une ligne invisible, un code d’appartenance.

Retour De Voyage :

Mais vous étiez un prisonnier politique. Est-ce que ce monde du tatouage appartenait surtout aux prisonniers de droit commun ?

Htein Lin :

Oui, c’était d’abord leur culture. Mais en prison, toutes les frontières s’effacent. On vit les uns sur les autres, on se découvre. Et très vite, on apprend à lire les corps. Les tatouages racontent des histoires : dragons, tigres, lions, chasseurs, slogans… Certains portaient sur leur poitrine : Pas de douleur, pas de jeu ou J’aime mon fils. D’autres disaient : Je boirai le cœur d’une femme avec de l’alcool. On y lit la violence, la tendresse, la solitude, la rage.

Retour De Voyage :

Et puis les autres ont découvert que vous étiez artiste. C’est là que vous êtes passé de spectateur à acteur ?

Htein Lin :

Exactement. Les plus jeunes sont venus me demander des dessins. Ils voulaient que je tatoue des figures classiques comme Ezali, des chasseurs de tigres, des monstres… Mais moi, je ne voulais pas copier. Je ne savais même pas à quoi ressemblaient ces modèles. J’ai dit : Je ne tatoue que ce que j’invente. Et à ma grande surprise, ça leur a plu. Ils voulaient du neuf, du vrai. Quelqu’un m’a dit : Je veux quelque chose que personne d’autre n’a. Alors j’ai dessiné des choses étranges, venues de mon imaginaire, parfois inspirées de Dali ou d’autres influences surréalistes.

RDV :

Avec quels outils tatouiez-vous ?

Htein Lin :Avec presque rien. Une tige de bois, quatre aiguilles attachées au bout. L’encre, c’était de l’encre chinoise diluée à l’eau et mélangée à du thanakha. Tout était improvisé, comme tout ce que j’ai créé en prison. Mais même avec ça, quelque chose passait. Un trait, une forme, un symbole — et la personne portait sur elle une histoire, une fierté, un lien. Certains me payaient en riz ou en savon. Et parfois, juste en me disant : Tu m’as offert un rêve.

RDV :

À la fin de votre texte, vous évoquez une sorte de basculement : vos dessins sont devenus des emblèmes. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Hein Lin :

Oui. Petit à petit, certains de mes motifs sont devenus populaires. On les retrouvait tatoués, bien sûr, mais aussi dessinés à la craie sur les uniformes, gravés sur les murs, repris dans des poèmes ou des chansons de cellule. C’était comme une contagion poétique. L’art se faufilait partout, même là où il n’avait rien à faire. C’est là que j’ai compris : même enfermé, même sans pinceaux ni couleurs, un artiste peut dessiner un monde.

RDV :

Pourquoi le texte relatif à cette peinture a-t-il été écrit aussi tard, en 2008 ?

Htein Lin :

Parce qu’en sortant, j’ai réalisé que ces tatouages, ces histoires-là, personne ne les connaissait. Tout le monde parlait de politique, d’injustices, de résistance. Mais l’univers humain de la prison, ses codes, ses douleurs, ses rêves, restait invisible. J’ai écrit pour que ça ne disparaisse pas. Pour garder la trace de cette peau vivante. La peau, c’était notre mémoire.

RDV :

Merci, Htein Lin, pour ce témoignage bouleversant. Votre voix, comme vos œuvres, dit quelque chose d’essentiel sur la dignité humaine — même dans l’obscurité la plus profonde.

1 Article

Fiche technique

Type de produits
Art - Peinture et Dessin
Idée Cadeau
Un cadeau exceptionnel
Idée Cadeau
Art

Pas de commentaires client pour le moment.

Nouveau compte S'inscrire