Poem of Dancer Thin Thin Kyu, by Htein Lin

En 1994, les universités rouvrent leurs portes — et Htein Lin, retourne terminer son diplôme de droit. Entre deux cours, il rejoint l’Association des Artistes. Depuis ses débuts universitaires en 1985, il mène une double vie : étudiant le jour, performeur le soir dans les spectacles Anyeint, un art de la scène typiquement birman mêlant danseuse classique et quatre comédiens.

Parmi les étoiles de l’époque, brille Thin Thin Kyu, l’une des danseuses les plus en vue de l’université. Elle partage souvent la scène avec Htein Lin, son complice sur les planches. Il l’observe, fasciné, suit chacun de ses gestes. Elle ouvrait généralement le spectacle avec le Ta Pin Tine, une danse traditionnelle toute en finesse, qui démarre par un regard en coin lancé au public — un petit coup d’œil de travers, comme pour dire « préparez-vous, ça commence » — puis elle se replie gracieusement sur elle-même au rythme des premières notes. Envoûté, Htein Lin la croque sur ses carnets. Ces esquisses donneront naissance à une série entière consacrée aux danseuses d’Anyeint.

En 1996, Htein Lin et Thin Thin se marient, et deviennent parents l’année suivante. En 1998, lors des révolutions étudiantes, Htein Lin se retrouve derrière les barreaux. Mais même là, l’inspiration ne le quitte pas. Entre souvenirs tendres et réalité carcérale, il continue de dessiner Thin Thin — avec les moyens du bord, bien sûr. Cette œuvre a été réalisée avec une roue de briquet trempée dans la peinture. En la roulant délicatement sur la toile, il parvient à créer des lignes fines et parallèles. Faute de matière, la composition reste minimaliste — mais les mouvements circulaires et fluides expriment toute la grâce et la force de Thin Thin.

Et c’est là toute la force de l’art : même entre quatre murs, avec pour pinceau un briquet désossé et pour atelier une cellule, Htein Lin a continué à créer. À dessiner, à rêver, à se souvenir. L’art, pour lui, n’était pas qu’un moyen d’expression — c’était une échappatoire, une bouée, un acte de résistance. Et c’est en grande partie grâce à cela, grâce à ce besoin vital de créer, qu’il a tenu bon pendant ses six années d’emprisonnement.