On the road to Nirvana, by Htein Lin

On the road to Nirvana

En août 2007, Htein Lin et sa femme Vicky, alors enceinte, s’apprêtaient à rentrer au Myanmar depuis Londres pour assister à l’inauguration de la nouvelle ambassade des États-Unis à Yangon. Htein Lin avait déjà passé les contrôles de sécurité et attendait son vol à l’aéroport d’Heathrow lorsque l’ambassade du Myanmar à Londres l’a appelé : le visa de Vicky venait d’être annulé. Et, cerise sur le gâteau, il risquait d’être inquiété dès son arrivée à Yangon. En cause ? L’exposition de ses peintures réalisées en prison, alors présentée à Asia House à Londres, et sans doute aussi une ambiance générale plutôt électrique à Yangon, à l’approche de ce qu’on allait appeler la Révolution Safran.

Comme ils avaient déjà leurs billets, ils décidèrent de changer de plan — direction l’Inde et le Népal, pour un pèlerinage improvisé sur les sites bouddhistes, dont Bodh Gaya. En chemin, entre Sāvatthi (Thawatti) et Rajagaha, leur voiture de location tombe en panne. Htein Lin, fidèle à lui-même, ne perd pas de temps : il étale une grande toile qu’il avait eu la bonne idée d’emporter dans la voiture et commence à dessiner un cercle au centre. Puis il ajoute les lions de la colonne d’Ashoka. Pas de voitures à l’horizon, la route est déserte : parfait pour peindre en toute tranquillité.

La voiture refusant toujours de coopérer, ils font demi-tour et passent la nuit dans un monastère birman à Sāvatthi. La salle de prière étant immense, Htein Lin y déplie à nouveau sa toile et poursuit son œuvre : scènes de la naissance du Bouddha, son ascension, et d’autres thèmes qu’il avait déjà explorés dans ses dernières années de prison.

Après tant de temps passé dans une cellule minuscule, il prend un plaisir tout particulier à travailler sur de très grands formats. Il faut sans doute être un peu fou (ou visionnaire ?) pour emporter une toile géante sur un pèlerinage en Inde.

De retour chez eux, il reprend la peinture, mais sans parvenir à la terminer. Ce n’est que plus tard, après avoir intégré la méditation Vipassana dans son quotidien, qu’il complète la partie vide en y dessinant des yogis en pleine méditation. L’œuvre est enfin achevée… en 2020.

Il y a plus de 2 500 ans, le Bouddha atteignait l’éveil et montrait la voie pour sortir du cycle des renaissances — le fameux samsara — et accéder au nirvana. En méditant chaque jour, Htein Lin s’est lui aussi engagé sur ce chemin. Il a donc tout naturellement intitulé sa peinture : « En route vers le Nirvana ».